- étriquer
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• 1826; autre sens 1760; du norm. « lancer, allonger »; moy. néerl. striken « étirer »; frq. °strikan → trique1 ♦ Rendre trop étroit; priver d'ampleur. ⇒ diminuer. « les corsets, les corps de jupes de nos femmes étriquent leur taille » (Taine). — Faire paraître étroit. Ce costume vous étrique.2 ♦ (1831) Techn. Amincir (une pièce de bois) pour l'adapter à une autre.⊗ CONTR. Élargir.⇒ÉTRIQUER, verbe trans.A.— 1. [Le compl. d'obj. désigne une chose concr. et en partic. un vêtement] Rendre étroit, priver d'ampleur. Pourquoi ces fronces, qui étriquaient le vêtement? (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 634). Le personnel subalterne étriquait ses toques en moule à charlotte (HAMP, Marée, 1908, p. 66).2. [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou une partie du corps humain] Serrer. Ce costume est mal taillé; il vous étrique (Ac. 1932). Les corsets, les corps de jupe de nos femmes étriquent leur taille (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 299) :• 1. Ce genre d'accoutrement, si mal approprié à sa grande taille, qui l'étriquoit dans une sorte de fourreau prêt à éclater, et qui laissoit sortir des manches étroites de son frac vert plus de la moitié de l'avant-bras, avait quelque chose de tristement burlesque.NODIER, Jean-François, 1832, p. 4.Rem. Plusieurs dict. du XIXe s. enregistrent le sens en mar. ,,amincir (une pièce de bois) pour qu'elle s'applique exactement à une autre`` (DG).B.— Au fig.1. [Le compl. d'obj. désigne un discours, une œuvre...] Écourter, raccourcir :• 2. ... ce serait trop étriquer le débat de réduire la protestation et la supplique de nos pétitionnaires à une plainte en faveur de pierres sculptées.BARRÈS, Cahiers, t. 9, 1911-12, p. 387.2. [Le compl. d'obj. désigne une chose abstr.] Restreindre, empêcher le développement de. La raideur crée la raideur, une attention trop contrainte étrique l'action en rétrécissant le champ de conscience (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 462) :• 3. ... les deux côtés de la scène étaient comme envahis par des spectateurs privilégiés qui gênaient les passages, étriquaient l'action et ne laissaient que le fond du théâtre au décor.A. DAUDET, Crit. dram., 1897, p. 208.3. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Rendre mesquin, médiocre. Ils [le concours et la réclame] surmènent, étriquent, surexcitent et gâtent l'homme (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 298). Au lieu d'étriquer la vie, il épanouit devant son intelligence la part de beauté qui sommeille dans le médiocre (BARRÈS, Homme libre, 1889, p. 162).♦ Emploi pronom. réfl. Constantin Guys (...) a vieilli, s'est étriqué, estompé, engrisaillé (L. DAUDET, Idées esthét., 1939, p. 250).— Arg. Étriquer la peau à qqn. ,,Le rosser`` (ESN. 1966). Rem. On rencontre ds la docum. a) Étriquage, subst. masc. Action d'étriquer. Des costumes bouffes pour des opéras-comiques, très bouffes, presque hoffmannesques, mais que l'étriquage du costumier a tout-à-fait déflorés comme extravagance de plis (GONCOURT, Journal, 1861, p. 887). b) Étriquement, subst. masc. Action d'étriquer; état de ce qui est étriqué. L'aspect général manque de grandeur, avec l'étriquement moderne de la coiffure, du drap noir et de la redingote (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p. 289). Pas un pli d'étriquement, une ampleur ajustée, une aisance stricte (ARNOUX, Roi, 1956, p. 189).Prononc. et Orth. :[
], (il) étrique [
]. Ds Ac. 1932. L'adj. étriqué est plus attesté (cf. Ac. 1798-1932). Étymol. et Hist. 1. a) Av. 1755 étriqué « qui n'a pas l'ampleur suffisante (d'un vêtement) » (SAINT-SIMON, Mémoires, éd. G. Truc, t. 2, p. 782); b) 1826 étriquer un habit (MOZIN-BIBER); 2. 1760 « raccourcir (un acte, dans une pièce de théâtre) » (VOLTAIRE, Lettre à d'Argental, 28 oct. ds LITTRÉ); 3. 1831 « amincir (une pièce de bois) pour l'adapter à une autre » (WILL.). Prob. issu d'un plus anc. étriquer « allonger, étendre » (un objet s'amincissant lorsqu'on l'étend), empr. au m. néerl. striken « s'étendre » (VERDAM) : 1604 [éd.] estriquer ses pieds « appuyer ses pieds contre quelque chose en s'allongeant en arrière pour pouvoir tirer avec plus de force » (GAUCHET, Plaisir des champs, p. 234 ds GDF.; v. aussi TILANDER, Glanures lexicogr., p. 99); 1625-55 en norm. étriquer « lancer; allonger », s'étriquer « s'élancer, s'étendre » (D. FERRAND, La Muse normande ds HÉRON). Étriquer « allonger, étendre » appartient prob. à la même famille que le plus anc. estrikier « caresser » (XIIIe s. ds T.-L.), « aplaigner (le drap) » (1275 ds DE POERCK). Fréq. abs. littér. :11.
étriquer [etʀike] v. tr.ÉTYM. 1760; soi estrikier « allonger le bras pour saisir », XIIIe; s'estriquer « s'arc-bouter, s'allonger », 1583; du moy. néerl. striken « étirer »; du francique strikan. → Trique.❖1 (1826). Rendre trop étroit; priver d'ampleur. ⇒ Diminuer, raccourcir. || Le tailleur a étriqué cet habit.1 (…) les corsets, les corps de jupe de nos femmes étriquent leur taille.Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 299.1.1 Elle ramena sa veste sur elle-même, la ferma, l'étriqua sur elle (…)M. Duras, Moderato cantabile, p. 154.♦ (Personnes). Faire paraître étroit. || Ce costume est trop étroit, il vous étrique.2 (1760). Fig. et littér. Développer insuffisamment. ⇒ Écourter, raccourcir. || Étriquer un discours, un texte.2 Le Kain m'a mandé qu'il avait en vain combattu mademoiselle Clairon, quand elle (…) m'étriquait le second acte (de Tancrède) auquel la dernière scène est absolument nécessaire (…)Voltaire, Lettre à d'Argental, 1827, 28 oct. 1760.3 Rare. Rendre mesquin, petit. || L'isolement étrique son caractère. — Pron. || Il s'étrique en vieillissant.4 (1831). Techn. Amincir (une pièce de bois) pour l'adapter à une autre.——————étriqué, ée p. p. adj.ÉTYM. (1707, attesté av. le verbe). Plus cour. que le verbe.1 Qui est trop étroit, n'a pas l'ampleur suffisante (vêtement). || Un vêtement étriqué. ⇒ Court, rétréci.3 Harlay (…) toujours en robe, mais étriquée; le dos courbé; une parole lente, pesée, prononcée (…)Saint-Simon, Mémoires, 1707, t. II, XLVII.4 Elle faisait peine à voir avec sa robe étriquée et toute noire.Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, XIV.♦ (Personnes). Qui paraît étroit (à cause de son costume). ⇒ Minable, riquiqui (fam.).5 (…) il semblait étriqué dans un complet quadrillé, de couleur morne, serré à la taille, montant très haut, cachant presque la cravate et le col.Huysmans, Là-bas, p. 22.♦ Par analogie :6 Peu à peu, vous arrivez aux mosaïques et aux peintures de l'art byzantin, aux Christs et aux Panagias émaciés, étriqués, raidis (…)Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 302.♦ Par ext. Minuscule, petit. || Vivre à plusieurs dans un appartement étriqué. ⇒ Exigu.2 Vén. || Animal étriqué, haut sur pattes, sans carrure.3 (1829; subst., 1760). Fig. Sans ampleur, trop limité. || Un discours étriqué. ⇒ Aride, décharné, sec. — Un auteur étriqué, sans imagination, sans ampleur.7 Racine, à travers lui, paraît, malgré lui, gris, timide, étriqué.Gide, Journal, 5 sept. 1922.8 Cet art, qui ne prétend à aucune profondeur, que sentimentale, reste déplorablement étriqué.Gide, Journal, 28 sept. 1929.⇒ Étroit, médiocre, mesquin, petit. || Un esprit étriqué. || Mener une vie étriquée.9 Il y a, de plus, dans mon ouvrage des jugements étriqués ou faux, tels que celui que je porte sur Dante, auquel j'ai rendu depuis un éclatant hommage.Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. II, p. 206.10 (…) les malheurs et les joies qui n'ont pu trouver la plus petite place dans sa vie étriquée et captive.Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 417.❖CONTR. Agrandir, amplifier, développer, élargir. — Ample, bouffant, flottant, large.DÉR. Étriquement.
Encyclopédie Universelle. 2012.